dimanche 29 septembre 2019

Interview Christelle Dabos

À l'occasion de la sortie de son quatrième roman, dernier volet de la saga la "Passe-Miroir", Christelle Dabos a eu la gentillesse de répondre à quelques questions pour le Coin d'Eden. 


Bonjour Christelle, un tout grand merci d’accepter de répondre à cette petite interview. À deux mois de la sortie du dernier volume de la saga « La Passe-Miroir », l’excitation est au comble dans les chaumières.

First things first, un petit mot sur la couverture du tome 4 : satisfaite ?
Un peu plus que cela, même. Nous avons tâtonné au début, non pas sur le lieu qui figurerait sur la couverture (choisi depuis longtemps), mais sur la manière de le représenter. J’ai essayé de préciser au mieux ma vision de l’endroit, son atmosphère oppressante… et le résultat final a été, comme pour chaque couverture précédente, au-delà de mes espérances. C’est une illustration puissante avec une couleur qui me parle beaucoup pour ce dernier tome.

Petit bond en arrière. En entamant le premier tome, avais-tu toute la trame jusqu’au tome 4 en tête ou les intrigues se sont-elles imposées au fur et à mesure ? Serait-ce une idée globale qui s’est peaufinée de tome en tome ? Un retravail acharné au fil des versions ? Quand on voit l’épaisseur de chaque volume et la densité tant de l’univers que des intrigues et surtout à quel point tout s’accorde aussi bien, je m’interroge sur le processus de fabrication (si je puis dire).
L’écriture de la Passe-miroir est un vrai labyrinthe. J’ai commencé cette histoire l’été 2007 et j’ai complètement improvisé sur l’équivalence des deux premiers tomes actuels. Je ne savais pas ce qui allait se passer d’une page à l’autre, ce qui m’a valu de beaucoup me disperser et de ne pas tout exploiter au mieux. J’ai entièrement repris le premier tome que j’ai, par la suite, envoyé à Gallimard Jeunesse à l’occasion du concours Premier Roman 2012. C’est là que les choses se sont corsées. J’ai essayé de faire un plan détaillé du tome 2 avant d’attaquer sa réécriture : ça m’a complètement bloquée. J’ai alors adopté pour un compromis avec plein de post-it pour pouvoir adapter les étapes du récit aux fluctuations propres à l’acte d’écriture. Préparer chaque « grande révélation » en introduisant des éléments/personnages importants en amont, par exemple. Mais ce n’est qu’au moment de me lancer dans la rédaction du quatrième et dernier tome que j’ai enfin décidé comment j’allais terminer l’histoire !

Pour parler un peu chiffres (un tout petit peu), chaque tome représente combien de mots ?
(En arrondissant.) Les Fiancés de l’hiver : 130 000 mots. Les Disparus du Clairdelune : 150 000mots. La Mémoire de Babel : 130 000mots. Et La Tempête des échosdevrait compter un peu plus de 140 000 mots.
Ah, dire qu’à une époque je ne pouvais pas écrire plus de quatre pages consécutives… que m’est-il arrivé ?

Comment gères-tu la notoriété ? Quelle place prend-elle dans ta vie jusqu’ici ?
Ce qui est marrant, c’est que je ne la ressens pas tant que ça, cette « notoriété » (d’ailleurs, rien que d’écrire ce mot me fait un drôle d’effet, je n’ai pas pu m’empêcher d’ajouter des guillemets). Je veux dire, c’est toujours la même tête ahurie dans la glace au lever du lit. Toujours les mêmes taches de chocolat sur mon plaid à l’heure du goûter. Mon nom et ma trogne n’évoquent rien aux gens que je croise. Je n’ai jamais vu encore quelqu’un me lire ni dans le train ni ailleurs.Je suis donc toujours étonnée quand je vais à un salon du livre ou dans une librairie et que je découvre une file qui m’attend devant le stand de dédicaces.
En fait, c’est surtout sur Internet que je me confronte quotidiennement à ce changement-là. Les messages que je reçois quasi chaque jour... dont certains en anglais, maintenant. Les fanarts et les fanfictions qui fleurissent sur Instagram autour de la Passe-miroir. Des lectrices et des lecteurs qui m’envoient des photos de mes livres prises à l’autre bout du monde.
C’est étrange à décrire. Ça me flatte, ça me déconcerte, ça m’impressionne tout à la fois. Mon compagnon m’aide à gérer la « communication web », mais même lui se sent parfois submergé.

Alors que le chapitre se referme sur la Passe-Miroir. Dans quel état d’esprit es-tu ? Contente de quitter cet univers qui a partagé tant d’années de ton quotidien ? Un mélange de soulagement et de tristesse peut-être ? Rien de tout cela ?
C’est une des émotions les plus complexes qui soit. En fait, ce sont plusieurs émotions complètement contradictoires et étroitement imbriquées. Du soulagement, oui, parce que j’ai enchaîné les crises d’angoisse sur les derniers mois d’écriture et qu’elles ne se sont arrêtées qu’avec le point final. Du manque quand je réalise que je continue de rêver de la Passe-miroir pendant la nuit. De l’attendrissement en sachant que l’imagination débordante des lecteurs va continuer de faire vivre cette histoire. De l’excitation, aussi, à l’idée de me remettre à l’écriture sur un projet différent. De la trouille, enfin, en me demandant si j’en suis capable.

Douze ans d’aventure, douze ans d’écriture. Quel est le bilan ? Que retiens-tu de cette fabuleuse histoire et de son écriture ?
Ophélie et moi avons effectué un sacré chemin depuis ce petit matin d’août où nous nous sommes rencontrées. Elle m’a fait vivre des expériences de son côté du miroir, je lui ai en fait vivre également de l’autre côté. Nous avons mené des batailles intérieures contre nos peurs les plus viscérales. Nous avons appris l’une de l’autre, l’une avec l’autre. Au-delà d’Ophélie, c’est mon écriture tout entière qui a évolué en même temps que moi. Il a fallu que j’arrive au dernier tome de la Passe-miroir pour réaliser que j’ai encore tout à apprendre (ou à désapprendre) en matière de mots. Et il y a eu l’édition proprement dite qui a brisé la coquille dans laquelle je me réfugiais pour échapper aux regards des autres. Mon compagnon dit qu’il me trouve aujourd’hui plus épanouie et plus affirmée qu’avant.

Au terme de ces quatre tomes à présent rédigés, un personnage préféré parmi les autres ? Celui qui laissera le plus longtemps sa marque ?
J’ai écrit du point de vue d’Ophélie pendant si longtemps qu’elle était devenue une deuxième peau. C’est un personnage qui m’est plus que familier : intime. Un reflet inversé, aussi menue que je suis charpentée, aussi endurante que je suis faillible, nous ne sommes pas fortes face aux mêmes choses.
Mais je ne peux pas dire pour autant « c’est ma préférée ». Les personnages d’un roman qu’on écrit sont, selon moi, comme les personnes que nous croisons en rêve : d’innombrables facettes de nous-mêmes. J’ai parfois eu beaucoup de mal à cerner Thorn, mais il m’a inspirée des sentiments d’une grande force aussi, contradictoires souvent. J’ai pris beaucoup de plaisir à voir surgir de nouveaux visages au fil des tomes.

Des regrets concernant la saga ?
Récemment, j’ai relu les trois premiers tomes (ce que je n’avais pas fait depuis chaque parution) afin de m’assurer qu’il n’y ait pas d’incohérence sur l’ensemble du récit. Je ne compte pas les phrases que j’aurais voulu reformuler, pour ne pas dire effacer ; certaines situations que j’aurais voulu amener différemment ; des éléments inutilement compliqués que j’aurais volontiers glissé sous le tapis ; des comportements de personnages qui m’ont donné envie de les secouer par les épaules en leur postillonnant dessus.
Et pourtant, non, aucun regret. J’aime cette histoire qui, en dépit des défauts que j’y perçois, m’a fait vivre tant d’émotions mélangées !

L’écriture est-elle devenue ton métier ? Ou cela reste-t-il une passion « à côté » ?
J’étais sans emploi au moment d’être publiée.Je vis actuellement des ventes de mes livres. Je ne sais pas si cela durera, mais j’ai cette chance de n’avoir pas à m’en inquiéter dans l’immédiat.
Pourtant, j’ai du mal à me dire que l’écriture est mon métier.
Parce que j’écris avant tout par passion. Pas une passion à côté : une passion bien au milieu. J’écris ce que je veux, quand je veux, si je veux sans me soucier de ce qui est dans l’air du temps. Je connais des auteurs qui écrivent sur commande, avec un éditeur qui leur fournit un sujet et un format spécifiques, avec un délai imparti. Je m’en sens incapable.

Déjà sur un autre projet ou petite pause ?
Il serait raisonnable que je prenne une pause. En ce moment, avec le bouclage de mon tome 4, c’est l’ébullition. Je passe mes journées à envoyer des mails, à répondre au téléphone, à lire et relire mon texte. Et ça ne fait que commencer.
Donc oui, il serait vraiment raisonnable que je mette mon écriture en pause pendant un temps.
Le problème, c’est que dès qu’il s’agit d’écriture, je cesse d’être raisonnable. J’ai les doigts qui me démangent. Je suis en manque de mots. Je ne peux pas faire ma course à l’épicerie du coin sans me mettre à déborder d’idées. Ah là là, ces auteurs.

La passe miroir connaît un succès tout à fait appréciable, le roman est traduit en plusieurs langues et on lui souhaite encore énormément de succès. Et toi Christelle, quel est ton prochain rêve à réaliser, littéraire ou non ?
Aimer, aimer, aimer. Vivre, vivre, vivre. Écrire, écrire, écrire.

Un tout grand merci, Christelle. D’abord, pour ces moments magiques que nous vivons grâce à la Passe-Miroir. Merci également d’avoir accepté de répondre à cette interview !

Merci à toi !

Site de l'auteure : http://www.passe-miroir.com/

2 commentaires:

Sandra Ssbaizero a dit…

Bonjour !

Merci pour cette interview très intéressante et qui me donne plus envie que jamais de lire la suite ! Vivement Novembre !
Bonne journée à vous,

Sandra

cadsm a dit…

Bonsoir Christelle,
À propos de la notoriété : il y a environ deux ans, je passais quelques jours à Paris, en passant sur le parvis de Notre Dame, j’ai croisé une jeune femme complètement absorbée dans la lecture d’un de vos ouvrages. Elle marchait en lisant, complètement étrangère à notre monde, je ne sais pas si elle était sur Anima ou dans la Citacielle... Elle avait un air d’Ophelie, je lui ai souri, elle n’a rien vu, elle a continué son chemin et sa lecture. Je crois qu’elle a passé un miroir depuis !

Merci de nous transporter dans votre monde et de nous enchanter, vous êtes une Magicienne !!!!

Christine